Montréal et ses Jeux de Billes

Montréal et ses Jeux de Billes

La fin de semaine se présentait bien. Tous a commencé à prendre forme le jeudi après-midi, durant une journée particulièrement mouvementé à mon boulot régulier dans ce qui reste de l`industrie canadienne des appareils d`amusement commerciaux. Mon beau-père est arrivé à mon bureau avec du café et  pour me confirmé un rendez-vous pour le samedi après-midi avec Jacques Tremblay. Ca tombait bien, parce que ce soir même j`avais un appel de service chez un collectionneur que je n`avais pas vu depuis quinze ans et qui avait incidemment des informations importantes sur la North Star Coin Machine Company de Montreal. Ainsi, avant de rencontrer Jacques Tremblay, un des frères fondateurs de la North Star,  je voulais avoir un avant-goût de cette homme via Ron Gratton, un personnage important au sein de cette histoire et aussi l`homme qui est responsable pour la conservation de ces machines. La série d`événements se présentait bien, comme un design d`une surface de jeu Gottlieb par Ed Krinsky en attente d`être jouée.

En me rendant à l`entrepôt de Ron ce soir-là, j`ai essayé de me souvenir des nombreux appels de service que j`ai faits pour lui durant les années où sa collection évoluait. Je me suis souvenu que son fils Tyler avait environ quinze ans et maintenant, à trente-trois ans, il gère la compagnie de valves industrielles de son père, qui entrepose le restant de ca collection de machines. Ainsi, il y a environ dix-huit ans, avant que l`internet envahisse nos vies, Ron et moi achetions ensemble des machines en lots, et pour très peu d`argent comparativement à ce que cela coûterait aujourd`hui. Naturellement, nous avons maintenant tendance à voir ce temps-là comme des jours dorés mais ils ne l`étaient pas réellement. De toutes ces transactions, un achat en particulier que Ron avait fait seul m`intéressait ce soir-là. J`avais hâte d`apprendre de lui tous les détails. Je voulais en savoir plus à propos de ces deux machines à boules fabriquées à Montréal et qu`il avait dans la salle de jeux de son sous-sol dans ce temps là, et qui à l`époque avait peu d`intérêt pour moi à part la dimension technique. Mais maintenant, dans une phase plus avancée de ma vie, l`historique a pris plus d`importance dans ma façon de voir les choses. Désormais, la signification des choses a aussi changé, du moins dans ma tête.

Je suis arrivé au bureau de Ron et j`ai retrouvé un homme de cinquante-neuf ans qui n`avait pas réellement changé. Nous nous sommes serré la main et nous avons échangé sur ce qui s`était passé dans nos vies durant ces quinze années. Ce dont nous voulions et ne voulions pas parler était éloquent. Ron était toujours quelque peu ambigu et évasif, à tout le moins. Tous les signes d`un homme d`affaires perspicace. Il y avait eu plusieurs transactions entre nous durant ces années-là, certaines bonnes, d`autres... Bien de l`eau a coulé sous les ponts, je dirais.

Avant de finir la réparation, j`ai demandé à Ron ce qui était arrivé avec le texte que son ami avait écrit dans le temps à propos des frères Tremblay et de leur compagnie de machines à boules et s`il avait encore les documents originaux. Il me répondit que ça s`était perdu avec les années. Question suivante, qu`est-ce qui est arrivé avec les deux machines North Star qu`il avait dans sa collection? Ces deux modèles produits à Montréal «Seabreeze» et «Richelieu» étaient dans sa maison de Roxboro pendant tant d`années. Où étaient maintenant ces deux machines, ainsi que l`enseigne originale de la North Star Coin Machine Company du vieux magasin de la rue St-Urbain où elles étaient initialement vendues avec des conversions de machines d`après-guerre à la fin des années quarante? Ron avait tout vendu au musée de la civilisation à Québec. Il me dit que ces machines avaient rapporté envirion cinq mille dollars chacune en argent comptant et en crédits d`impôts. Elles ne valaient pas encore cela actuellement, même avec la poussée de l`internet et d`autres facteurs. Je me suis alors souvenu que quand on trouvait un acheteur qui aimait se faire appeler «Charles» ou de l`argent provenant de subventions,  c`était de l`argent facilement gagné.

Je lui ai aussi demandé dans quelles circonstances il avait acheté ces deux machines à ce moment-là. Il avait réussi à retracer les frères Tremblay, qui opéraient encore une petite route sous le nom de «Tremblay Amusement». La majorité des opérateurs que nous connaissions se méfiaient des collectionneurs, mais Ron c`est organisé pour les rencontrer à leur atelier près de la rue Fleury. Ils lui ont vendu pour quelques centaines de dollars une Richelieu qu`ils avaient en consignation dans un magasin d`antiquités de la rue St-Denis qui s`appelait «Je me souviens» et aussi quelques «backglass» pour les deux modèles.

Je me souviens vaguement avoir vu un paquet de «backglass» de Richelieu et quelques Seabreeze dans ce commerce quand j`allais réparer une machine à boules pour eux. Quelques années plus tard, Ron m`avait donné deux «backglass» de Richelieu et une de Seabreeze comme paiement pour des réparations que j`avais faites pour lui. Je me souviens aussi qu`il avait plus de Richelieu que de Seabreeze. Je me suis arrangé pour en conserver un de chaque depuis ce temps.

La vitre de Richelieu que j`avais en surplus est allée à Steve Young de Pinball Resource avec quelques machines achetées d`un lot de 32 «woodrails» que j`avais ramasser avec Ron au début des années 90. Je pensais que Steve était le meilleur candidat pour conserver cette pièce qui partait de l`autre côté de la frontière. Incidemment, les deux machines que Steve et John Fetterman m`avaient achetées cette fois-là faisaient probablement partie de la grande quantité de pinballs usagées qui remplissaient plusieurs wagons de chemin de fer au début des années 50 à destination du Canada quand l`embarbo a finalement été annulé.

The backglasses for the two pinball machines produced by the North Star Coin Machine Company of Montreal.

Ces milliers de «woodrails» à bas prix faisaient partie du «dumping» fait par les États-Unis après que l`embargo particulier sur les items de nouveautés étrangers a été annulé en 1951. Ce flot de machines bon marché des États-Unis a contribué directement à la fermeture de la compagnie North Star Coin machine.

Le vendredi précédant la rencontre avec Jacques Tremblay, j`étais de retour au bureau, essayant de penser à toutes les questions que je voulais lui poser. J`ai finalement décidé de penser à autre chose puisqu`il avait dit à mon beau-père qu`il ne voulait pas être interviewé et que toute l`histoire de North Star Coin machine avait déjà été racontée dans la revue «Canadian Coin Box» de juillet/août 1993. Il a dit qu`il nous donnerait à chacun une copie de ce numéro le samedi suivant. Il me semblait alors que tout ce que voulait monsieur Tremblay était de l`argent pour son vieux fourbi et qu`on le laisse tranquille.

Alors j`ai décidé de lui acheter tout ce qu`il voulait me vendre en autant qu`il me parle de ca compagnie Je me suis alors souvenu de ce que Steve Young m`a dit quand j`ai mentionné que j`allais rencontrer Jacques Tremblay quelques jours plus tard. J`ai expliqué mon inquiétude concernant la façon de faire parler monsieur Tremblay à propos des faits historiques que je voulais connaître. Il m`a suggéré de laisser aller la conversation, d`être sociable et d`écouter attentivement. Ces vétérans veulent habituellement parler de ce qu`ils ont accompli et ne veulent pas entendre nos question ou combien c`était «cool». Et ils ne veulent pas nécessairement connaître notre opinion sur ce que nous n`avons pas vécu. J`ai essayé de me taire le plus possible en rencontrant monsieur Tremblay mais ça n`a pas duré longtemps. Aussi bizarre que cela puisse paraître, il était la «rock star» et j`étais le «groupie». Combien d`entre nous ont déjà voulu développer et construire nos propre pinballs, cet homme l`avait fait, commercialement, il y a plus de 60 ans.

De retour à notre industrie «coin-op» d`aujourd`hui, ou comme j`ai dit, à ce qu`il en reste, j`ai passé la fin de la journée de l`Action de Grâce en rattrapant mon retard sur d`autres affaires pendant que nos voisins américains digéraient leur dinde et regardaient la NFL. Les téléphones sonnaient mais il n`y avait pas de situation de crise. En d`autres mots, rien de très urgent. Ça fait étrange d`être au crépuscule d`une industrie qui a tant de difficulté à se réinventer. Pendant ce temps, nous continuons à y travailler et d`essayer de voir dans les ombres d`un passé prospère et glorieux. Ça va prendre un «boost» de quelque part, probablement de l`Asie et plus de marchés internationaux, je crois. Bon assez de ce non-sens, la fin de semaine arrivait.

Ce soir-là, après avoir reconduit mon fils chez sa grand-mère pour coucher le vendredi soir, et ma compagne partie à Toronto pour un congrès d`alimentation santé, je commençais à ressentir les bienfaits d`un temps libre bien mérité. Je filai vers St-Lazare pour une soirée «Montréal Pinball League» et une compétition amicale. Sparky, un des gros bonnets de «Montreal Arcade Amusement Collectors Association» (MAACA.ORG), était l`hôte de ce grandiose événement de la MPL dans sa propre «caverne». En roulant sur la 40, je me disais que tous mes proches étant entre bonnes mains, je pouvais les oublier pour un moment. Je pensais que quelques bières, quelques vieilles machines à boules et une dose de compétition mâle arrogante en plus du droit de se vanter ouvertement étaient ce dont j`avais besoin. Nous sommes pas mal pareils quand vient le temps de ce jeu de bille d`argent, nous l`utilisons pour socialiser et être reconnus comme habiles et chanceux. Je dirais que tout cela fait partie de l`expérience pinball, mélangeant ces items avec quelques rires, c`était certainement important pour s`empêcher de prendre les choses trop au sérieux, mais quelle bonne façon de terminer une semaine de travail et de débuter une fin de semaine toute pinball.

Enfin, c`était vrai, nous y étions, un groupe de copains d`un âge moyen, manipulant ces machines comme toutes les générations précédentes d`hommes et de garçons avant nous. Il y a quelque chose d`intemporel à propos de ces machines qui nous réunissent en nous force de nous concentrer sur la même chose. Soit une boule d`argent aléatoire qui nous retourne notre image en déviant sur des obstacles, frappant des cibles et se dirigeant vers une fin inévitable. Néanmoins, nous gardons cette boule collective en jeu en ayant ces soirées de tournois chaque mois d`un bout à l`autre du pays et espérant qu`avec un peu de chance, de l`habileté et beaucoup d`échanges nous pourrons aider la pinball à fêter son 100e anniversaire pour les générations futures.

La majorité des machines pour cette soirée étaient des Stern de la première génération et quelques machines des trois grands. Tous adorent ces machines sur lesquelles ils se souviennent d`avoir joué en découvrant ce jeu aimé de tout le monde. S`il y avait eu une soirée MPL il y a quarante ans (pensez aux années soixante-dix pour ceux qui sont assez vieux), il y aurait eu des machines comme les Richelieu et Seabreeze dans le groupe. La soirée fut une grande réussite et s`est poursuivie durant plusieurs heures après mon départ. Le lien qui suit raconte cette soirée de la MPL. http://www.maaca.org/viewtopic.php?f=49&t=1041

LEUR HISTORIE ET LEUR MACHINES.

Le premier modèle à être fabriqué par les frères Jacques et Gérard Tremblay était la Seabreeze. La planification débuta en 1947 et la première machine fut terminée et prête pour la vente en octobre ou novembre 1949.

Brothers Jacques & Gérard with the very first ?Sea Breeze? 11/49

La conception et le filage furent faits par Jacques (à gauche sur la photo ci-haut), la vente et la promotion par Gérard et le travail artistique par leur beau-frère. Apparemment, seulement quelques centaines de machines furent produites. Probablement moins de 500 serait une estimation raisonnable, selon l`information que j`ai pu obtenir. Les machines North Star étaient distribuées par J.C. Boutin de Trois-Rivières et par Laniel Amusements rue Notre-Dame à Montréal.

Pour leur modèle suivant appelé Richelieu, les deux frères savaient qu`ils avaient besoin de pièces, la raison du programme d`échange détaillé sur le dépliant de Sea Breeze. Le manque de matériaux pendant la guerre était un facteur, mais aussi avoir des pièces électro-mécaniques en main et des cabinets déjà fabriqués aidait définitivement à accélérer la production comparativement à devoir les construire au complet en débutant de rien. Néanmoins, la Richelieu est arrivée et par la suite, on lui a attribué le nom de la fameuse piste de course de Pointe-aux-Trembles où les machines étaient construites. Ce modèle entra en production en 1950 et l`assemblage continua à mesure que les commandes arrivaient. Richelieu a certainement été d`une plus grande production que la Sea Breeze selon Jacques. C`était facilement vérifiable du fait qu`on trouve plus facilement des Richelieu que des Sea Breeze aujourd`hui.

Au début, Jacques m`a dit qu`ils avaient produit environ 1000 machines en tout des deux modèles et plus tard durant notre deuxième rencontre il a dit sur une vidéo que ça pourrait être 2000 machines construites à Montréal de 1949 à 1951.

The Richelieu playfield

Quand l`embargo sur les items nouveautés étrangers a finalement été annulé en 1951, c`est devenu presque impossible de compétitionner avec le nombre de pinballs usagées venant des États-Unis. Les deux frères ont sagement et péniblement décidé de fermer boutique et d`arrêter la production de la Richelieu puisqu`ils ne pouvaient plus compétitionner avec les distributeurs américains qui inondaient le marché canadien avec des machines usagées à plus bas prix exportées par wagons entiers. Jacques m`a dit que les pinballs usagées se vendaient pour 25 à 40$ chacune. Les distributeurs américains ont fait du "dumping" de milliers de ces machines sur le marché canadien jusqu`à ce qu`il commence à manquer de certains titres. Puis, vers 1952-1953, les manufacturiers américains ont commencé à vendre des machines neuves directement à Laniel et d`autres distributeurs canadiens. Ainsi, quand ces portes se sont ouvertes et refermées, les frères Tremblay ne pouvaient plus continuer leur opérations. (Pour la version américaine de cette histoire, voir la partie 2 de l`interview de Steve Yound dans le Pinball Trade  # 21 février 1990). Ainsi, Jacques et Gérard ont contre leur gré mis la clef dans la porte de North Star Coin Machine pendant que la Richelieu était encore en production. Les commandes pour ce modèle étaient annulées à mesure que les machines américaines arrivaient sur le marché canadien. L`arrêt de production de la Richelieu pourrait expliquer le surplus de «backglass» et de surfaces de jeu trouvées jusqu`à aujourd`hui. Tel que mentionné plus haut, Jacques Tremblay ne peut se souvenir avec exactitude du nombre produit pour chaque modèle, mais une fois de plus on peut certainement présumer qu`il y a eu moins de Sea Breeze que de Richelieu produites durant ces années. Je peux déduire que cette version est définitive.

La rareté du modèle Sea Breeze est supportée par ce que j`ai trouvé le soir de mon appel de service chez Ronald Gratton. Je lui ai demandé où il avait trouvé sa Sea Breeze et voici ce qu`il m`a dit. Il était retourné voir monsieur Tremblay et lui avait demandé s`il restait encore des Sea Breeze à vendre quelque part. Jacques répondit oui. Il en restait une. Ron demanda combien? $400 était le prix et Jacques a demandé l`argent. C`était cher payé pour une «woodrail» dans ce temps-là. Mais Ron a payé, a regardé autour mais n`a vu aucune Sea Breeze dans le garage. Ensuite, Jacques a expliqué, il a écrit un reçu de $400 avec une note au porteur mentionnant de remettre la machine à Ron après avoir pris connaissance de la dite note. Ainsi Ron, à sa façon hardie et confiante, a regardé l`adresse sur le reçu, et a réalisé l`importance de l`emplacement. Il a alors engagé un assistant et il est entré directement par la grande porte du 7401 sur la voie de service de la Trans-Canadienne et a ramassé la Sea Breeze directement de la salle de montre. Il n`a pas regardé en arrière et quand quelqu`un a essayé de l`arrêter, il a remis la note et a continué son chemin. Apparemment, Gaétan Laniel, fils du fondateur Édouard Laniel, était en vacances cette semaine-là quand la machine a été subtilisée de la salle de montre de Laniel Canada en plein jour. Cela dépasse mon entendement comment une famille extrêmement riche comme les Laniel n`avait pas donné à leurs anciens employés quelques centaines de dollars ou plus pour cet exemplaire particulièrement rare d`une pinball fabriquée à Montréal et plutôt l`avoir gardée en consigne pour que tous la voient dans leur salle de montre comme s`ils étaient responsables d`un tel accomplissement. Peut-être l`étaient-ils d`une certaine façon et y auraient été impliqués en plus du rôle de distribution, je n`en suis pas certain. Mais une chose dont je suis absolument sûr, c`est que le Montréal des années 1930 et 40 s`est montré un terrain fertile qui a fait des Laniel les opérateurs et distributeurs de machines d`amusement les plus puissants au Canada. À un tel point que leur empire a progressé pour qu`il devienne reconnu à la grandeur de l`Amérique du Nord comme un standard à atteindre pour les autres distributeurs. Et avec le temps, Laniel est devenu un distributeur très renommé et contrôlait pratiquement toute l`industrie de l`amusement au Canada. Ainsi cette Sea Breeze que Ron a subtilisée de l`emprise des Laniel est le seull exemplaire d`une North Star Sea Breeze que j`ai vue durant plus de 30 ans en tant que collectionneur et réparateur d`appareils électro-mécaniques dans la région du grand Montréal. Elle est maintenant entreposée en toute sécurité dans un musée de la ville de Québec à côté d`une Richelieu et ce, grâce à Ron Gratton. 

Center section of a Sea Breeze unassembled playfeild displaying the company?s name. On their next & last game ?Richelieu?, the company name and location follow the declining lines of the apron at the bottom of the playfield.

Samedi, le deuxième jour de cette fin de semaine pinball de trois jours, était réellement le grand jour pour moi. Nous sommes allés à Ahuntsic dans le nord de Montréal pour rencontrer Monsieur Jacques Tremblay. Mon beau-père et mon fils de 6 ans se lançaient des boules de neige quand Jacques a marché vers nous en traversant la rue où il était stationné. Il avait une enveloppe brune sous le bras et nous a approchés avec fougue. Un homme très agile et avec une classe d`une autre époque. Il nous a fièrement conduit à un bureau sombre dans un garage au sous-sol d`un vieil édifice à appartements dans cette section démunie de la ville. Cet espace était de toute évidence sur le point d`être vidé. Nous avons appris qu`il déménageait dans un autre garage à quelques portes de là plus tard durant le mois. La première chose que j`ai remarquée était un cabinet de pièces, de la taille d`une unité murale, avec des tiroirs en bois fabriqués à la main sans doute du temps de la compagnie North Star Coin Machine et qui servait à classer des pièces. Il était fabriqué partiellement avec des surface de jeu de machines qu`ils démontaient pour construire leurs propres machines.

A parts cabinet from the North Star Coin Machine company made mostly out of old playfields from machines they used to build their own models.

 J`ai essayé d`identifier certaines d`entre elles, mais nous parlons des années quarante et mes connaissances sont limitées au sujet de cette décennie. Jacques nous a aussi dit qu`il s`était débarassé des documents de la compagnie plusieurs années auparavant parce qu`il ne pensait pas que le gouvernement se donnerait la peine de faire des vérifications après tant d`années. J`ai presque ri et je me suis retenu car il l`avait dit sérieusement. C`est curieux comme le temps a accéléré les choses, ce qui rend notre compréhension et notre adaptation au changement difficile.

Nous avons immédiatement entamé la conversation en parlant de la compagnie North Star Coin Machine. Comme tous les faits pertinents et importants sont déjà dans la revue Canadian coin Box, je n`essaierai pas de le répéter ici. Ce dont je veux parler, c`est de ce que représente la rencontre avec cet homme. J`ai ressenti un fort rapprochement à travers ses paroles pendant qu`il parlait du temps où ils étaient engagés dans le processus créatif à travers toute la préproduction. Comment ils devaient s`occuper de chaque détail, par exemple, trouver des kilomètres de fil coder jusqu`au design des pièces en plastique, et des pièces électro-mécaniques. Et spécialement de trouver le courage et l`énergie pour les longues heures de travail ardu nécessaires afin d`entreprendre un tel projet. Cela en particulier a entrouvert une porte dans mon imagination. C`était juste après la deuxième guerre mondiale et les matériaux étaient sans doute en grande demande et la disponibilité assez limitée. Gérard était revenu du service militaire et cherchait à faire quand ils ont discuté de la possibilité de fabriquer leurs propres machines à boules, en raison de l`opportunité que procurait l`embargo sur les items de nouveautés. Après la guerre, ils travaillaient tous les deux chez Laniel comme réparateurs et ont décidé de voler de leurs propres ailes. À entendre Jacques parler de la fierté qu`il ressent encore aujourd`hui à 83 ans quand il se remémore qu`il était un jeune homme de 22 ans revenant du service militaire et prêt à prendre de nouveaux risques. J`ai ressenti un frisson dans la colonne vertébrale en pensant au courage que cela a dû prendre pour s`aventurer tête première dans ce projet. Et d`aller de l`avant vers un avenir auquel ils croyaient en dépit de tout le manque de matériaux durant cette periode d`apres-guerre. Heureusement, ces limites auxquelles les freres Tremblay devaient faire face étaient contrebalancées par un embargo principalement dirigé contre la Suisse. Apparemment, le Canada avait développé un désaccord avec la Suisse après la guerre et en réaction, a interdit l`importation d`items de nouveauté tels les montres bracelets. Quelque années plus tard et la Suisse de son côté a decider d`arrêté d`acheter du blé canadien. Vu que les machines à boules étaient considérées comme des items de nouveautés, comme les montres bracelets, elle ne pouvaient être importées au Canada de 1947 à 1951. J`ai immédiatement débuté l`enregistrement avec la caméra vidéo pour le laisser raconter lui-même cette histoire.

Durant cette première recontre qui s`est déroulée presque entièrement en français, Jacques nous a parlé spécifiquement de l`endroit où ils ont fabriqué leurs machines. Le gouvernement canadien aidait les nouvelles entreprises à démarrer après la guerre en fournissant des baraques militaires pour être utilisées comme ateliers ou entrepôts. Il m`a dit que ces constructions n`étaient pas chauffées à l`origine vu qu`elles servaient principalement comme garages pour véhicules durant les années de guerre. Par contre, elles étaient contruites de bois canadien de première qualité et Jacques m`a aussi fièrement dit que leur emplacement dans la pointe nord-est de Montréal était équipé de puissantes chaufferettes et de planchers de bois franc. Ils ont engagé de jeunes gens de la région de Pointe-aux-Trembles pour travailler à la fabrication de leurs machines à boules. Vu que peu d`individus possédaient une auto à cette époque, la plupart des gens trouvaient du travail près de leur lieu de résidence. Au sommet de la production, ils avaient 125 employés de la région qui travaillaient pour eux.

The army barracks which housed the production of pinball machines on the eastern tip of the island of Montreal

Ils m`avaient aussi mentionné que l`encre qu`ils utilisaient pour les «silk screens» sur leur backglass nécessitait une période de séchage de plus de 24 heures, comparativement à celle qu`utilisaient plusieurs compagnies américaines à la même époque et qui demandait seulement une heure de séchage.

Before their time ? The Trembley brothers had to find ways to speed up production and move things along. On the left is the underside of the Sea Breeze playfield.. On the right is the clearer and more refined Richelieu wiring aid diagrams for the young employees who worked at assembling these games.

 Apparemment, les frères Tremblay devaient assembler de grands racks pour laisser sécher la peinture durant la nuit dans les baraques chauffées où ces machines étaient assemblées. Le résultat était un backglass très résistant au décollement pour des décennies même quand elles étaient entreposées dans des conditions loin d`être idéales. En fait les backglass de North Star sont aussi bien conservées à ce jour que les Bally des années 70. Personnellement, je n`ai jamais scellé mon backglass de Sea Breeze avec du Triple Thick et je n`ai pas l`intention ou besoin de le faire. Il est dans le même état que celui où il était il y a 60 ans.

Il y avait une dizaine de playfield accotées au mur. monsieur Tremblay nous a fait porté attention a la qualité du bois canadien utilisé pour le stratifié qui compose ses playfields. En fait, même entreposés verticalement contre un mur de ciment dans un bureau de ce sous-sol humide, ils étaient assez droits et pas aussi déformés qu`on pourrait le croire. Cet homme était plein d`histoires et avait un esprit vif et j`étais étonné qu`il ait partagé tant d`information lors de notre première rencontre. Cela me rendait un peu nerveux et me portait à trop parler. Je savais qu`il me fallait une deuxième rencontre pour poser les questions que j`avais négligées de lui poser la première fois pour causer de fascination et distraction.

.

DEUXIÈME RENCONTRE, UNE VISITE EN ANGLAIS

Deux semaines plus tard, nous avons convenu d`une deuxième rencontre avec monsieur Tremblay, et cette fois j`étais accompagné d`un confrère et collectionneur de longue date, mon ami, Mike Hanley (www.thechurchofthesilverball.com). Il avait fait le voyage de Toronto la veille pour rencontrer monsieur Tremblay et par la même occasion, faire un échange de machine avec moi. Notre but principal pour cette deuxième rencontre était de numériser les photos de monsieur Tremblay pour les préserver sur l`internet, faire des vidéos de l`homme racontant son histoire et de poser d`autres questions bien choisies. Nous nous sentions tous les deux très privilégiés que monsieur Tremblay vienne nous rencontrer malgré toute la neige qui était tombée ce matin-là. Beaucoup de neige tomba rapidement sur notre ville, même pour les standards de Montréal. Mais Jacques était déjà dans son nouveau bureau/atelier/garage quand nous sommes arrivés. Il attendait évidemment notre arrivée et se demandait pourquoi nous étions en retard. Je suis certains qu`il avait vu plus de neige tomber dans sa vie que c`était le cas pour nous deux.

J`ai installé mon ordinateur et un scanner afin de numériser quelques photos pendant que Mike mettait en marche l`enregistrement vidéo de l`homme et son histoire tout en posant quelques questions à l`occasion. Monsieur Tremblay prenait le plancher comme ils disent. Son anglais était clair et concis parce que brasser des affaires dans le Québec des années 1940 et 50 nécessitait cette langue seconde.

Cliquez ici pour voir un vidéo de M. Tremblay

Je veux profiter de cette opportunité pour remercier monsieur Jacques Tremblay pour sa disponibilité afin de converser avec nous ouvertement et avec gentillesse à propos de son travail avec la compagnie North Star Coin Machine. Je me considère extrêmement privilégié et fier d`avoir eu la chance de passer du temps avec lui et de partager une partie de son histoire avec d`autres à travers cet article multi-média. Et je tiens à remercier Mike Hanley pour son enthousiasme continuel et spécialement mon beau-père Jean-Pierre Gauthier qui a rendu possible cette rencontre.

Pour terminer, un de mes amis voulait que je demande à monsieur Tremblay la raison pour laquelle ils ont choisi le nom North Star en plus de la référence évidente à un pays beau, brillant et nordique. Il m`a dit que le nom venait d`un bateau qu`il possédait dont le nom était L`Étoile du Nord, donc ce n`est pas si évident si on ne connait pas la vraie histoire.

L`histoire va toujours être difficile à connaître dans son entiereté sans une compréhension du contexte dans lequel elle s`est développée. À vrai dire, c`est un problème presque insoluble qui nécessite un esprit extrêmement ouvert pour ceux qui veulent connaître et partager quelque chose qui devient inévitablement de plus en plus compliqué à saisir avec le passage du temps et de l`espace.

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La fin de semaine se présentait bien. Tous a commencé à prendre forme le jeudi après-midi, durant une journée particulièrement mouvementé à mon boulot régulier dans ce qui reste de l`industrie canadienne des appareils d`amusement commerciaux. Mon beau-père est arrivé à mon bureau avec du café et  pour me confirmé un rendez-vous pour le samedi après-midi avec Jacques Tremblay. Ca tombait bien, parce que ce soir même j`avais un appel de service chez un collectionneur que je n`avais pas vu depuis quinze ans et qui avait incidemment des informations importantes sur la North Star Coin Machine Company de Montreal. Ainsi, avant de rencontrer Jacques Tremblay, un des frères fondateurs de la North Star,  je voulais avoir un avant-goût de cette homme via Ron Gratton, un personnage important au sein de cette histoire et aussi l`homme qui est responsable pour la conservation de ces machines. La série d`événements se présentait bien, comme un design d`une surface de jeu Gottlieb par Ed Krinsky en attente d`être jouée.

En me rendant à l`entrepôt de Ron ce soir-là, j`ai essayé de me souvenir des nombreux appels de service que j`ai faits pour lui durant les années où sa collection évoluait. Je me suis souvenu que son fils Tyler avait environ quinze ans et maintenant, à trente-trois ans, il gère la compagnie de valves industrielles de son père, qui entrepose le restant de ca collection de machines. Ainsi, il y a environ dix-huit ans, avant que l`internet envahisse nos vies, Ron et moi achetions ensemble des machines en lots, et pour très peu d`argent comparativement à ce que cela coûterait aujourd`hui. Naturellement, nous avons maintenant tendance à voir ce temps-là comme des jours dorés mais ils ne l`étaient pas réellement. De toutes ces transactions, un achat en particulier que Ron avait fait seul m`intéressait ce soir-là. J`avais hâte d`apprendre de lui tous les détails. Je voulais en savoir plus à propos de ces deux machines à boules fabriquées à Montréal et qu`il avait dans la salle de jeux de son sous-sol dans ce temps là, et qui à l`époque avait peu d`intérêt pour moi à part la dimension technique. Mais maintenant, dans une phase plus avancée de ma vie, l`historique a pris plus d`importance dans ma façon de voir les choses. Désormais, la signification des choses a aussi changé, du moins dans ma tête.

Je suis arrivé au bureau de Ron et j`ai retrouvé un homme de cinquante-neuf ans qui n`avait pas réellement changé. Nous nous sommes serré la main et nous avons échangé sur ce qui s`était passé dans nos vies durant ces quinze années. Ce dont nous voulions et ne voulions pas parler était éloquent. Ron était toujours quelque peu ambigu et évasif, à tout le moins. Tous les signes d`un homme d`affaires perspicace. Il y avait eu plusieurs transactions entre nous durant ces années-là, certaines bonnes, d`autres... Bien de l`eau a coulé sous les ponts, je dirais.

Avant de finir la réparation, j`ai demandé à Ron ce qui était arrivé avec le texte que son ami avait écrit dans le temps à propos des frères Tremblay et de leur compagnie de machines à boules et s`il avait encore les documents originaux. Il me répondit que ça s`était perdu avec les années. Question suivante, qu`est-ce qui est arrivé avec les deux machines North Star qu`il avait dans sa collection? Ces deux modèles produits à Montréal «Seabreeze» et «Richelieu» étaient dans sa maison de Roxboro pendant tant d`années. Où étaient maintenant ces deux machines, ainsi que l`enseigne originale de la North Star Coin Machine Company du vieux magasin de la rue St-Urbain où elles étaient initialement vendues avec des conversions de machines d`après-guerre à la fin des années quarante? Ron avait tout vendu au musée de la civilisation à Québec. Il me dit que ces machines avaient rapporté envirion cinq mille dollars chacune en argent comptant et en crédits d`impôts. Elles ne valaient pas encore cela actuellement, même avec la poussée de l`internet et d`autres facteurs. Je me suis alors souvenu que quand on trouvait un acheteur qui aimait se faire appeler «Charles» ou de l`argent provenant de subventions,  c`était de l`argent facilement gagné.

Je lui ai aussi demandé dans quelles circonstances il avait acheté ces deux machines à ce moment-là. Il avait réussi à retracer les frères Tremblay, qui opéraient encore une petite route sous le nom de «Tremblay Amusement». La majorité des opérateurs que nous connaissions se méfiaient des collectionneurs, mais Ron c`est organisé pour les rencontrer à leur atelier près de la rue Fleury. Ils lui ont vendu pour quelques centaines de dollars une Richelieu qu`ils avaient en consignation dans un magasin d`antiquités de la rue St-Denis qui s`appelait «Je me souviens» et aussi quelques «backglass» pour les deux modèles.

Je me souviens vaguement avoir vu un paquet de «backglass» de Richelieu et quelques Seabreeze dans ce commerce quand j`allais réparer une machine à boules pour eux. Quelques années plus tard, Ron m`avait donné deux «backglass» de Richelieu et une de Seabreeze comme paiement pour des réparations que j`avais faites pour lui. Je me souviens aussi qu`il avait plus de Richelieu que de Seabreeze. Je me suis arrangé pour en conserver un de chaque depuis ce temps.

La vitre de Richelieu que j`avais en surplus est allée à Steve Young de Pinball Resource avec quelques machines achetées d`un lot de 32 «woodrails» que j`avais ramasser avec Ron au début des années 90. Je pensais que Steve était le meilleur candidat pour conserver cette pièce qui partait de l`autre côté de la frontière. Incidemment, les deux machines que Steve et John Fetterman m`avaient achetées cette fois-là faisaient probablement partie de la grande quantité de pinballs usagées qui remplissaient plusieurs wagons de chemin de fer au début des années 50 à destination du Canada quand l`embarbo a finalement été annulé.

The backglasses for the two pinball machines produced by the North Star Coin Machine Company of Montreal.

Ces milliers de «woodrails» à bas prix faisaient partie du «dumping» fait par les États-Unis après que l`embargo particulier sur les items de nouveautés étrangers a été annulé en 1951. Ce flot de machines bon marché des États-Unis a contribué directement à la fermeture de la compagnie North Star Coin machine.

Le vendredi précédant la rencontre avec Jacques Tremblay, j`étais de retour au bureau, essayant de penser à toutes les questions que je voulais lui poser. J`ai finalement décidé de penser à autre chose puisqu`il avait dit à mon beau-père qu`il ne voulait pas être interviewé et que toute l`histoire de North Star Coin machine avait déjà été racontée dans la revue «Canadian Coin Box» de juillet/août 1993. Il a dit qu`il nous donnerait à chacun une copie de ce numéro le samedi suivant. Il me semblait alors que tout ce que voulait monsieur Tremblay était de l`argent pour son vieux fourbi et qu`on le laisse tranquille.

Alors j`ai décidé de lui acheter tout ce qu`il voulait me vendre en autant qu`il me parle de ca compagnie Je me suis alors souvenu de ce que Steve Young m`a dit quand j`ai mentionné que j`allais rencontrer Jacques Tremblay quelques jours plus tard. J`ai expliqué mon inquiétude concernant la façon de faire parler monsieur Tremblay à propos des faits historiques que je voulais connaître. Il m`a suggéré de laisser aller la conversation, d`être sociable et d`écouter attentivement. Ces vétérans veulent habituellement parler de ce qu`ils ont accompli et ne veulent pas entendre nos question ou combien c`était «cool». Et ils ne veulent pas nécessairement connaître notre opinion sur ce que nous n`avons pas vécu. J`ai essayé de me taire le plus possible en rencontrant monsieur Tremblay mais ça n`a pas duré longtemps. Aussi bizarre que cela puisse paraître, il était la «rock star» et j`étais le «groupie». Combien d`entre nous ont déjà voulu développer et construire nos propre pinballs, cet homme l`avait fait, commercialement, il y a plus de 60 ans.

De retour à notre industrie «coin-op» d`aujourd`hui, ou comme j`ai dit, à ce qu`il en reste, j`ai passé la fin de la journée de l`Action de Grâce en rattrapant mon retard sur d`autres affaires pendant que nos voisins américains digéraient leur dinde et regardaient la NFL. Les téléphones sonnaient mais il n`y avait pas de situation de crise. En d`autres mots, rien de très urgent. Ça fait étrange d`être au crépuscule d`une industrie qui a tant de difficulté à se réinventer. Pendant ce temps, nous continuons à y travailler et d`essayer de voir dans les ombres d`un passé prospère et glorieux. Ça va prendre un «boost» de quelque part, probablement de l`Asie et plus de marchés internationaux, je crois. Bon assez de ce non-sens, la fin de semaine arrivait.

Ce soir-là, après avoir reconduit mon fils chez sa grand-mère pour coucher le vendredi soir, et ma compagne partie à Toronto pour un congrès d`alimentation santé, je commençais à ressentir les bienfaits d`un temps libre bien mérité. Je filai vers St-Lazare pour une soirée «Montréal Pinball League» et une compétition amicale. Sparky, un des gros bonnets de «Montreal Arcade Amusement Collectors Association» (MAACA.ORG), était l`hôte de ce grandiose événement de la MPL dans sa propre «caverne». En roulant sur la 40, je me disais que tous mes proches étant entre bonnes mains, je pouvais les oublier pour un moment. Je pensais que quelques bières, quelques vieilles machines à boules et une dose de compétition mâle arrogante en plus du droit de se vanter ouvertement étaient ce dont j`avais besoin. Nous sommes pas mal pareils quand vient le temps de ce jeu de bille d`argent, nous l`utilisons pour socialiser et être reconnus comme habiles et chanceux. Je dirais que tout cela fait partie de l`expérience pinball, mélangeant ces items avec quelques rires, c`était certainement important pour s`empêcher de prendre les choses trop au sérieux, mais quelle bonne façon de terminer une semaine de travail et de débuter une fin de semaine toute pinball.

Enfin, c`était vrai, nous y étions, un groupe de copains d`un âge moyen, manipulant ces machines comme toutes les générations précédentes d`hommes et de garçons avant nous. Il y a quelque chose d`intemporel à propos de ces machines qui nous réunissent en nous force de nous concentrer sur la même chose. Soit une boule d`argent aléatoire qui nous retourne notre image en déviant sur des obstacles, frappant des cibles et se dirigeant vers une fin inévitable. Néanmoins, nous gardons cette boule collective en jeu en ayant ces soirées de tournois chaque mois d`un bout à l`autre du pays et espérant qu`avec un peu de chance, de l`habileté et beaucoup d`échanges nous pourrons aider la pinball à fêter son 100e anniversaire pour les générations futures.

La majorité des machines pour cette soirée étaient des Stern de la première génération et quelques machines des trois grands. Tous adorent ces machines sur lesquelles ils se souviennent d`avoir joué en découvrant ce jeu aimé de tout le monde. S`il y avait eu une soirée MPL il y a quarante ans (pensez aux années soixante-dix pour ceux qui sont assez vieux), il y aurait eu des machines comme les Richelieu et Seabreeze dans le groupe. La soirée fut une grande réussite et s`est poursuivie durant plusieurs heures après mon départ. Le lien qui suit raconte cette soirée de la MPL. http://www.maaca.org/viewtopic.php?f=49&t=1041

LEUR HISTORIE ET LEUR MACHINES.

Le premier modèle à être fabriqué par les frères Jacques et Gérard Tremblay était la Seabreeze. La planification débuta en 1947 et la première machine fut terminée et prête pour la vente en octobre ou novembre 1949.

Brothers Jacques & Gérard with the very first ?Sea Breeze? 11/49

La conception et le filage furent faits par Jacques (à gauche sur la photo ci-haut), la vente et la promotion par Gérard et le travail artistique par leur beau-frère. Apparemment, seulement quelques centaines de machines furent produites. Probablement moins de 500 serait une estimation raisonnable, selon l`information que j`ai pu obtenir. Les machines North Star étaient distribuées par J.C. Boutin de Trois-Rivières et par Laniel Amusements rue Notre-Dame à Montréal.

Pour leur modèle suivant appelé Richelieu, les deux frères savaient qu`ils avaient besoin de pièces, la raison du programme d`échange détaillé sur le dépliant de Sea Breeze. Le manque de matériaux pendant la guerre était un facteur, mais aussi avoir des pièces électro-mécaniques en main et des cabinets déjà fabriqués aidait définitivement à accélérer la production comparativement à devoir les construire au complet en débutant de rien. Néanmoins, la Richelieu est arrivée et par la suite, on lui a attribué le nom de la fameuse piste de course de Pointe-aux-Trembles où les machines étaient construites. Ce modèle entra en production en 1950 et l`assemblage continua à mesure que les commandes arrivaient. Richelieu a certainement été d`une plus grande production que la Sea Breeze selon Jacques. C`était facilement vérifiable du fait qu`on trouve plus facilement des Richelieu que des Sea Breeze aujourd`hui.

Au début, Jacques m`a dit qu`ils avaient produit environ 1000 machines en tout des deux modèles et plus tard durant notre deuxième rencontre il a dit sur une vidéo que ça pourrait être 2000 machines construites à Montréal de 1949 à 1951.

The Richelieu playfield

Quand l`embargo sur les items nouveautés étrangers a finalement été annulé en 1951, c`est devenu presque impossible de compétitionner avec le nombre de pinballs usagées venant des États-Unis. Les deux frères ont sagement et péniblement décidé de fermer boutique et d`arrêter la production de la Richelieu puisqu`ils ne pouvaient plus compétitionner avec les distributeurs américains qui inondaient le marché canadien avec des machines usagées à plus bas prix exportées par wagons entiers. Jacques m`a dit que les pinballs usagées se vendaient pour 25 à 40$ chacune. Les distributeurs américains ont fait du "dumping" de milliers de ces machines sur le marché canadien jusqu`à ce qu`il commence à manquer de certains titres. Puis, vers 1952-1953, les manufacturiers américains ont commencé à vendre des machines neuves directement à Laniel et d`autres distributeurs canadiens. Ainsi, quand ces portes se sont ouvertes et refermées, les frères Tremblay ne pouvaient plus continuer leur opérations. (Pour la version américaine de cette histoire, voir la partie 2 de l`interview de Steve Yound dans le Pinball Trade  # 21 février 1990). Ainsi, Jacques et Gérard ont contre leur gré mis la clef dans la porte de North Star Coin Machine pendant que la Richelieu était encore en production. Les commandes pour ce modèle étaient annulées à mesure que les machines américaines arrivaient sur le marché canadien. L`arrêt de production de la Richelieu pourrait expliquer le surplus de «backglass» et de surfaces de jeu trouvées jusqu`à aujourd`hui. Tel que mentionné plus haut, Jacques Tremblay ne peut se souvenir avec exactitude du nombre produit pour chaque modèle, mais une fois de plus on peut certainement présumer qu`il y a eu moins de Sea Breeze que de Richelieu produites durant ces années. Je peux déduire que cette version est définitive.

La rareté du modèle Sea Breeze est supportée par ce que j`ai trouvé le soir de mon appel de service chez Ronald Gratton. Je lui ai demandé où il avait trouvé sa Sea Breeze et voici ce qu`il m`a dit. Il était retourné voir monsieur Tremblay et lui avait demandé s`il restait encore des Sea Breeze à vendre quelque part. Jacques répondit oui. Il en restait une. Ron demanda combien? $400 était le prix et Jacques a demandé l`argent. C`était cher payé pour une «woodrail» dans ce temps-là. Mais Ron a payé, a regardé autour mais n`a vu aucune Sea Breeze dans le garage. Ensuite, Jacques a expliqué, il a écrit un reçu de $400 avec une note au porteur mentionnant de remettre la machine à Ron après avoir pris connaissance de la dite note. Ainsi Ron, à sa façon hardie et confiante, a regardé l`adresse sur le reçu, et a réalisé l`importance de l`emplacement. Il a alors engagé un assistant et il est entré directement par la grande porte du 7401 sur la voie de service de la Trans-Canadienne et a ramassé la Sea Breeze directement de la salle de montre. Il n`a pas regardé en arrière et quand quelqu`un a essayé de l`arrêter, il a remis la note et a continué son chemin. Apparemment, Gaétan Laniel, fils du fondateur Édouard Laniel, était en vacances cette semaine-là quand la machine a été subtilisée de la salle de montre de Laniel Canada en plein jour. Cela dépasse mon entendement comment une famille extrêmement riche comme les Laniel n`avait pas donné à leurs anciens employés quelques centaines de dollars ou plus pour cet exemplaire particulièrement rare d`une pinball fabriquée à Montréal et plutôt l`avoir gardée en consigne pour que tous la voient dans leur salle de montre comme s`ils étaient responsables d`un tel accomplissement. Peut-être l`étaient-ils d`une certaine façon et y auraient été impliqués en plus du rôle de distribution, je n`en suis pas certain. Mais une chose dont je suis absolument sûr, c`est que le Montréal des années 1930 et 40 s`est montré un terrain fertile qui a fait des Laniel les opérateurs et distributeurs de machines d`amusement les plus puissants au Canada. À un tel point que leur empire a progressé pour qu`il devienne reconnu à la grandeur de l`Amérique du Nord comme un standard à atteindre pour les autres distributeurs. Et avec le temps, Laniel est devenu un distributeur très renommé et contrôlait pratiquement toute l`industrie de l`amusement au Canada. Ainsi cette Sea Breeze que Ron a subtilisée de l`emprise des Laniel est le seull exemplaire d`une North Star Sea Breeze que j`ai vue durant plus de 30 ans en tant que collectionneur et réparateur d`appareils électro-mécaniques dans la région du grand Montréal. Elle est maintenant entreposée en toute sécurité dans un musée de la ville de Québec à côté d`une Richelieu et ce, grâce à Ron Gratton. 

Center section of a Sea Breeze unassembled playfeild displaying the company?s name. On their next & last game ?Richelieu?, the company name and location follow the declining lines of the apron at the bottom of the playfield.

Samedi, le deuxième jour de cette fin de semaine pinball de trois jours, était réellement le grand jour pour moi. Nous sommes allés à Ahuntsic dans le nord de Montréal pour rencontrer Monsieur Jacques Tremblay. Mon beau-père et mon fils de 6 ans se lançaient des boules de neige quand Jacques a marché vers nous en traversant la rue où il était stationné. Il avait une enveloppe brune sous le bras et nous a approchés avec fougue. Un homme très agile et avec une classe d`une autre époque. Il nous a fièrement conduit à un bureau sombre dans un garage au sous-sol d`un vieil édifice à appartements dans cette section démunie de la ville. Cet espace était de toute évidence sur le point d`être vidé. Nous avons appris qu`il déménageait dans un autre garage à quelques portes de là plus tard durant le mois. La première chose que j`ai remarquée était un cabinet de pièces, de la taille d`une unité murale, avec des tiroirs en bois fabriqués à la main sans doute du temps de la compagnie North Star Coin Machine et qui servait à classer des pièces. Il était fabriqué partiellement avec des surface de jeu de machines qu`ils démontaient pour construire leurs propres machines.

A parts cabinet from the North Star Coin Machine company made mostly out of old playfields from machines they used to build their own models.

 J`ai essayé d`identifier certaines d`entre elles, mais nous parlons des années quarante et mes connaissances sont limitées au sujet de cette décennie. Jacques nous a aussi dit qu`il s`était débarassé des documents de la compagnie plusieurs années auparavant parce qu`il ne pensait pas que le gouvernement se donnerait la peine de faire des vérifications après tant d`années. J`ai presque ri et je me suis retenu car il l`avait dit sérieusement. C`est curieux comme le temps a accéléré les choses, ce qui rend notre compréhension et notre adaptation au changement difficile.

Nous avons immédiatement entamé la conversation en parlant de la compagnie North Star Coin Machine. Comme tous les faits pertinents et importants sont déjà dans la revue Canadian coin Box, je n`essaierai pas de le répéter ici. Ce dont je veux parler, c`est de ce que représente la rencontre avec cet homme. J`ai ressenti un fort rapprochement à travers ses paroles pendant qu`il parlait du temps où ils étaient engagés dans le processus créatif à travers toute la préproduction. Comment ils devaient s`occuper de chaque détail, par exemple, trouver des kilomètres de fil coder jusqu`au design des pièces en plastique, et des pièces électro-mécaniques. Et spécialement de trouver le courage et l`énergie pour les longues heures de travail ardu nécessaires afin d`entreprendre un tel projet. Cela en particulier a entrouvert une porte dans mon imagination. C`était juste après la deuxième guerre mondiale et les matériaux étaient sans doute en grande demande et la disponibilité assez limitée. Gérard était revenu du service militaire et cherchait à faire quand ils ont discuté de la possibilité de fabriquer leurs propres machines à boules, en raison de l`opportunité que procurait l`embargo sur les items de nouveautés. Après la guerre, ils travaillaient tous les deux chez Laniel comme réparateurs et ont décidé de voler de leurs propres ailes. À entendre Jacques parler de la fierté qu`il ressent encore aujourd`hui à 83 ans quand il se remémore qu`il était un jeune homme de 22 ans revenant du service militaire et prêt à prendre de nouveaux risques. J`ai ressenti un frisson dans la colonne vertébrale en pensant au courage que cela a dû prendre pour s`aventurer tête première dans ce projet. Et d`aller de l`avant vers un avenir auquel ils croyaient en dépit de tout le manque de matériaux durant cette periode d`apres-guerre. Heureusement, ces limites auxquelles les freres Tremblay devaient faire face étaient contrebalancées par un embargo principalement dirigé contre la Suisse. Apparemment, le Canada avait développé un désaccord avec la Suisse après la guerre et en réaction, a interdit l`importation d`items de nouveauté tels les montres bracelets. Quelque années plus tard et la Suisse de son côté a decider d`arrêté d`acheter du blé canadien. Vu que les machines à boules étaient considérées comme des items de nouveautés, comme les montres bracelets, elle ne pouvaient être importées au Canada de 1947 à 1951. J`ai immédiatement débuté l`enregistrement avec la caméra vidéo pour le laisser raconter lui-même cette histoire.

Durant cette première recontre qui s`est déroulée presque entièrement en français, Jacques nous a parlé spécifiquement de l`endroit où ils ont fabriqué leurs machines. Le gouvernement canadien aidait les nouvelles entreprises à démarrer après la guerre en fournissant des baraques militaires pour être utilisées comme ateliers ou entrepôts. Il m`a dit que ces constructions n`étaient pas chauffées à l`origine vu qu`elles servaient principalement comme garages pour véhicules durant les années de guerre. Par contre, elles étaient contruites de bois canadien de première qualité et Jacques m`a aussi fièrement dit que leur emplacement dans la pointe nord-est de Montréal était équipé de puissantes chaufferettes et de planchers de bois franc. Ils ont engagé de jeunes gens de la région de Pointe-aux-Trembles pour travailler à la fabrication de leurs machines à boules. Vu que peu d`individus possédaient une auto à cette époque, la plupart des gens trouvaient du travail près de leur lieu de résidence. Au sommet de la production, ils avaient 125 employés de la région qui travaillaient pour eux.

The army barracks which housed the production of pinball machines on the eastern tip of the island of Montreal

Ils m`avaient aussi mentionné que l`encre qu`ils utilisaient pour les «silk screens» sur leur backglass nécessitait une période de séchage de plus de 24 heures, comparativement à celle qu`utilisaient plusieurs compagnies américaines à la même époque et qui demandait seulement une heure de séchage.

Before their time ? The Trembley brothers had to find ways to speed up production and move things along. On the left is the underside of the Sea Breeze playfield.. On the right is the clearer and more refined Richelieu wiring aid diagrams for the young employees who worked at assembling these games.

 Apparemment, les frères Tremblay devaient assembler de grands racks pour laisser sécher la peinture durant la nuit dans les baraques chauffées où ces machines étaient assemblées. Le résultat était un backglass très résistant au décollement pour des décennies même quand elles étaient entreposées dans des conditions loin d`être idéales. En fait les backglass de North Star sont aussi bien conservées à ce jour que les Bally des années 70. Personnellement, je n`ai jamais scellé mon backglass de Sea Breeze avec du Triple Thick et je n`ai pas l`intention ou besoin de le faire. Il est dans le même état que celui où il était il y a 60 ans.

Il y avait une dizaine de playfield accotées au mur. monsieur Tremblay nous a fait porté attention a la qualité du bois canadien utilisé pour le stratifié qui compose ses playfields. En fait, même entreposés verticalement contre un mur de ciment dans un bureau de ce sous-sol humide, ils étaient assez droits et pas aussi déformés qu`on pourrait le croire. Cet homme était plein d`histoires et avait un esprit vif et j`étais étonné qu`il ait partagé tant d`information lors de notre première rencontre. Cela me rendait un peu nerveux et me portait à trop parler. Je savais qu`il me fallait une deuxième rencontre pour poser les questions que j`avais négligées de lui poser la première fois pour causer de fascination et distraction.

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DEUXIÈME RENCONTRE, UNE VISITE EN ANGLAIS

Deux semaines plus tard, nous avons convenu d`une deuxième rencontre avec monsieur Tremblay, et cette fois j`étais accompagné d`un confrère et collectionneur de longue date, mon ami, Mike Hanley (www.thechurchofthesilverball.com). Il avait fait le voyage de Toronto la veille pour rencontrer monsieur Tremblay et par la même occasion, faire un échange de machine avec moi. Notre but principal pour cette deuxième rencontre était de numériser les photos de monsieur Tremblay pour les préserver sur l`internet, faire des vidéos de l`homme racontant son histoire et de poser d`autres questions bien choisies. Nous nous sentions tous les deux très privilégiés que monsieur Tremblay vienne nous rencontrer malgré toute la neige qui était tombée ce matin-là. Beaucoup de neige tomba rapidement sur notre ville, même pour les standards de Montréal. Mais Jacques était déjà dans son nouveau bureau/atelier/garage quand nous sommes arrivés. Il attendait évidemment notre arrivée et se demandait pourquoi nous étions en retard. Je suis certains qu`il avait vu plus de neige tomber dans sa vie que c`était le cas pour nous deux.

J`ai installé mon ordinateur et un scanner afin de numériser quelques photos pendant que Mike mettait en marche l`enregistrement vidéo de l`homme et son histoire tout en posant quelques questions à l`occasion. Monsieur Tremblay prenait le plancher comme ils disent. Son anglais était clair et concis parce que brasser des affaires dans le Québec des années 1940 et 50 nécessitait cette langue seconde.

Cliquez ici pour voir un vidéo de M. Tremblay

Je veux profiter de cette opportunité pour remercier monsieur Jacques Tremblay pour sa disponibilité afin de converser avec nous ouvertement et avec gentillesse à propos de son travail avec la compagnie North Star Coin Machine. Je me considère extrêmement privilégié et fier d`avoir eu la chance de passer du temps avec lui et de partager une partie de son histoire avec d`autres à travers cet article multi-média. Et je tiens à remercier Mike Hanley pour son enthousiasme continuel et spécialement mon beau-père Jean-Pierre Gauthier qui a rendu possible cette rencontre.

Pour terminer, un de mes amis voulait que je demande à monsieur Tremblay la raison pour laquelle ils ont choisi le nom North Star en plus de la référence évidente à un pays beau, brillant et nordique. Il m`a dit que le nom venait d`un bateau qu`il possédait dont le nom était L`Étoile du Nord, donc ce n`est pas si évident si on ne connait pas la vraie histoire.

L`histoire va toujours être difficile à connaître dans son entiereté sans une compréhension du contexte dans lequel elle s`est développée. À vrai dire, c`est un problème presque insoluble qui nécessite un esprit extrêmement ouvert pour ceux qui veulent connaître et partager quelque chose qui devient inévitablement de plus en plus compliqué à saisir avec le passage du temps et de l`espace.

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